L’essentiel de l’analyse sur les risques psychosociaux

Enquête de l’UNDPIP auprès de 100 cadres de la filière insertion et probation

PRÉAMBULE

Objectif de cette enquête :

  • Libérer et entendre la parole des DPIP afin de rompre l’isolement
  • Objectiver et quantifier la charge de travail
  • Dresser un état des lieux du niveau de souffrance exprimé dans l’exercice des missions des DPIP
  • Rédiger des propositions concrètes d’amélioration à l’attention de la DAP pour véritablement prendre en compte les RPS chez les cadres en SPIP

Retrouvez notre enquête complète ci-dessous :

LA MÉTHODOLOGIE

A réception des retours des questionnaires, diffusés à l’ensemble des agents par mail, il y a eu une anonymisation systématique puis une analyse des réponses item par item puis une synthèse globale.

Sur les questionnaires reçus, 100 ont été conservés pour aboutir à cette évaluation. Quelques questionnaires n’ont pu être utilisés du fait d’un taux de remplissage très limité.

Pour rappel, le corps des DPIP était composé aux dernières élections professionnelles de 518 agents. Nous avons ainsi pu recueillir les retours d’1/5ème du corps.

LE PERIMETRE D’INTERVENTION DES RÉPONDANTS

Sur ces 100 questionnaires, la répartition des réponses est la suivante

Répartition des réponses au questionnaire

LES CONDITIONS D’EXERCICE DES DPIP AYANT RÉPONDU À L’ENQUÊTE

              L’analyse des réponses démontre que l’absence d’organigramme de référence entraîne des disparités sur les terrains. Le ratio 1 cadre pour 10 personnels ne correspond pas à la réalité de 80 % des répondants.

              Les cadres répondant ont indiqué une moyenne journalière de temps de travail de 2h supérieure que les 7h30 fixées par l’administration (9h43/ jour soit plus de 48h/semaine). En plus d’un temps de travail trop important, 70 % des cadres indiquent rester joignables hors de leur temps de travail et travailler même en dehors de toute position administrative de travail

              Enfin les retours démontrent une multiplication de tâches professionnelles (faute de personnel en nombre suffisant) qui ne permet pas aux cadres de se sentir à jour de leur travail (à 86%) et ce malgré le temps de travail important évoqué ci-dessus.

MESURE DE L’ÉPANOUISSEMENT PROFESSIONNEL

              En ce qui concerne le sentiment de satisfaction au travail, seul 21 % des répondants (et ce quel que soit la position hiérarchique) donne une moyenne supérieure à 7/10. Ce chiffre est à mettre en lien avec les contraintes subies qui portent atteinte à leur épanouissement professionnel.

              Seul 20 % des cadres ayant répondu ont l’impression de faire un travail de qualité, même s’ils estiment arriver à rester en accord avec leurs valeurs professionnelles. L’absence de reconnaissance professionnelle (et principalement de l’Administration pénitentiaire elle-même) est partagée ce qui peut expliquer cette insatisfaction. Une absence de reconnaissance en interne ne peut que nuire à la représentation que l’on se fait de son propre travail.

              Malgré ces éléments négatifs, l’utilité au travail est partagée par 2/3 des répondants, bien qu’ils aimeraient pouvoir dégager du temps pour approfondir leurs missions premières et développer des projets. Et 54 % gardent une image positive de leur métier, du fait des valeurs et des missions qui y sont accolées.

              La redéfinition des missions des cadres en SPIP permettrait de contrebalancer le négatif de cet item et de diminuer l’écart entre l’idéalisation du métier et la réalité du terrain.

MESURE DE L’IMPACT DU TRAVAIL SUR LA VIE PRIVÉE

            Dans les explications du faible épanouissement au travail des cadres en SPIP et en services déconcentrés, l’impact du travail sur la vie privée tient une place prépondérante. Près de la moitié des répondants estiment que cet impact est de 8/10.

              La quotité horaire, le travail certains week-ends (plus de 90 %) ou pendant leurs congés (près des 2/3) explique cette mesure, facteur de RPS. Ils utilisent ces temps hors service pour se mettre à jour de leurs mails, de la validation de leurs rapports ou pour avancer sur des tâches nécessitant une disponibilité importante. Cet impact peut également s’expliquer par le sentiment de ne pouvoir prendre leurs congés comme ils le souhaitent, mettant en avant l’intérêt du service en premier.

              Au-delà de l’impact sur les cadres, un impact important pour l’institution est constaté : 86 % des cadres ne candidatent pas ou n’assistent pas aux formations sollicitées ne pouvant se libérer sereinement. La montée en compétence globale de l’administration est donc freinée.

MESURE DE L’IMPACT DU TRAVAIL SUR LA SANTÉ

            En conséquence logique de l’impact sur la vie privée évaluée par les cadres, plus de 85 % d’entre eux indiquent en ressentir les conséquences sur leur santé physique et psychique. Malgré cela seulement 1/3 d’entre eux indiquent avoir été en arrêt maladie de ce fait. Non pas que l’impact soit faible mais parce qu’ils se l’interdisent pour ne pas passer pour quelqu’un de faible ou par conscience professionnelle.

Une inscription dans une équipe stabilisée permettant aux cadres de partager les difficultés et de les évacuer, de rompre un isolement pourrait limiter ses impacts négatifs.

PRÉVENTION DES RISQUES PSYCHOSOCIAUX

            En conséquence logique de la charge de travail, de l’absence de reconnaissance, d’un manque de moyens, d’un sentiment de solitude, d’injonctions paradoxales ; 61 % des cadres ressentent une souffrance au travail.

              Dans ces facteurs de stress, la relation avec leur hiérarchie a été mise en avant par la moitié des répondants, et ce quelque soit le grade ou la fonction. Les injonctions paradoxales, l’absence de réponses institutionnelles ou le manque de lisibilité des consignes nationales (absence de pilotage) apparaissent comme autant de facteurs favorisant l’apparition des risques psychosociaux.

              La vision majoritaire des personnes interrogées est une dégradation des conditions de travail. Il y a une différence de vision entre le ressenti des cadres ayant le plus d’ancienneté dans la fonction et les plus jeunes. Pour ceux qui ont le plus d’expérience, il y a une évolution positive dans sa globalité à contrebalancer avec le nombre de personnes suivi qui a augmenté et les moyens qui n’ont pas suivi proportionnellement à la charge de travail. Les cadres arrivés récemment se prononcent peu sur l’évolution des métiers mais mettent en avant une déception.

              Les attentes sont une évolution statutaire corrélée avec une évolution indemnitaire. Cette évolution traduirait concrètement l’attente d’une meilleure reconnaissance de leur travail et de leurs missions, qui doit s’inscrire dans une reconnaissance de la filière insertion et probation. La création d’une sous-direction en est la première étape.

              Ne pas répondre à ces attentes revient pour l’Administration à prendre le risque de voir ses cadres partir en nombre. 2/3 des personnes interrogées envisagent de changer de métier si l’opportunité se présente à eux, en souhaitant majoritairement rester dans la fonction publique, pour laquelle ils gardent un attachement dans ses valeurs.

NOS PROPOSITIONS

Au terme de cette enquête, nous proposons 5 axes majeurs permettant de limiter les risques psychosociaux et reconnaître la richesse et la complexité de la fonction de directeurs en SPIP ou dans les services déconcentrés.

  • Travailler sur le recrutement et la fidélisation des agents : cela passe par une revalorisation statutaire et donc indemnitaire et la poursuite d’une politique de recrutement ambitieuse.
  • Redéfinir et repositionner les DPIP dans leurs missions : une meilleure lisibilité des missions de l’encadrement et une clarification de la politique de cette sous-direction à court, moyen et long termes, au niveau national, interrégional et local limiteraient les impacts négatifs évoqués par les cadres.
  • Affirmer la filière insertion et probation découle logiquement de la proposition précédente : des organigrammes de référence, la création de greffe dans les services en milieu ouvert, le développement de la pluridisciplinarité, … seraient la concrétisation des propositions politiques de mettre en avant la probation face à l’enfermement.
  • Ancrer territorialement la mission de service public de prévention de la récidive : Le DFSPIP est le pilote d’une politique de service qui a ses racines dans un ancrage territorial et au cœur des politiques publiques nationales et locales – il doit être reconnu comme tel.
  • Doter les services en moyens matériels adaptés : La modernisation des outils de travail viendrait ainsi donner aux DPIP les moyens d’exercer les missions qui leur incombent, en appui des propositions faites ci-dessus et dans l’objectif de limiter les risques psycho-sociaux.

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